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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/5

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

encadrée dans une neige de cheveux blancs terminés par une petite queue, était colorée, ouverte, bienveillante. Il voulut me recevoir rudement et ne put pas en venir à bout. Ma politesse extrême envers lui l’avait désarmé. Il m’indiqua ma place, et chargea ma table de toute la besogne que l’absence d’un commis avait laissé amasser depuis un mois.

Au bout de trois jours, la besogne était terminée.

J’allai la lui porter dans son cabinet, et lui en demandai d’autre.

— Comment, d’autre ? s’écria-t-il.

— Sans doute.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que j’ai fini celle que vous m’aviez donnée.

— Tout entière ?…

— Tout entière.

— Oh ! oh ! oh ! fit M. Bichet.

Et il prit ma besogne comme un homme qui se dit en lui-même : « Cela doit être joliment gâché ! »

M. Bichet se trompait : je m’étais piqué d’honneur.

Chaque rapport, chaque expédition, chaque copie lui arrachait une exclamation de plaisir.

— Mais, en vérité, disait-il, mais, en vérité, c’est très-bien ! très-bien, monsieur, très-bien ! Vous avez une écriture dans le genre de celle de Piron, monsieur.

— Diable ! c’est bien de l’honneur pour moi. Vous connaissez donc l’écriture de Piron ?

— Il a été expéditionnaire cinq ans à nos archives, monsieur.

— Ah ! vraiment !… Comment, j’ai cette ressemblance avec lui ?

— Vous en avez-encore une autre, à ce qu’on dit.

— Laquelle, monsieur ?

— Vous faites des vers.

— Hélas !

Il s’approcha de moi, et, d’un air coquin :

— Sont-ils dans le genre des siens, les vers que vous faites ?

— Non, monsieur.