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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/70

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Même silence.

Je commençai à m’inquiéter ; la clef était à la porte, et la présence de cette clef indiquait invariablement la présence de M. Villenave dans sa chambre.

Il pouvait donc lui être arrivé un accident.

Je frappai une troisième fois, avec l’intention d’entrer, si l’on ne me répondait pas.

On ne me répondit pas, j’entrai.

M. Villenave était assoupi dans son fauteuil.

Au bruit que je fis en entrant, à la colonne d’air peut-être qui entra avec moi, et qui rompit certaines influences magnétiques, M. Villenave poussa une espèce de cri, et se réveilla en sursaut.

— Ah ! pardon, m’écriai-je, cent fois pardon ! je vous ai dérangé.

— Qui êtes-vous ? que désirez-vous ? demanda vivement M. Villenave.

— Eh ! mon Dieu, ne me reconnaissez-vous point ?… Alexandre Dumas.

— Ah ! fit M. Villenave en respirant.

— En vérité, monsieur, dis-je, je suis au désespoir, et je me retire.

— Non, non, au contraire, entrez, dit M. Villenave en passant sa main sur son front ; vous me rendez service.

J’entrai.

— Asseyez-vous, me dit-il par habitude.

Huit ou dix in-folio étaient gisants sur le plancher, j’en formai une pile et je m’assis dessus.

— Vous voyez, me dit M. Villenave, c’est bien singulier… je m’étais assoupi, le crépuscule est arrivé ; pendant ce temps-là, mon feu s’est éteint. Vous m’avez réveillé ; vous m’avez trouvé sans lumière, ne me rendant pas compte du bruit qui se faisait chez moi ; c’est sans doute l’air de la porte qui a passé sur mon visage, mais, en me réveillant, il m’a semblé, voir voltiger devant mes yeux quelque chose de blanc comme un linceul… C’est bien singulier, n’est-ce pas ? continua M. Villenave avec ce mouvement de corps qui indique un