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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/13

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Eh bien, Louët, vous voilà donc ! Mais, mon ami, vous avez l’air d’un millionnaire !

— Ah ! oui, parce que je suis mieux mis qu’autrefois ; eh bien, justement, au contraire, je n’ai plus le sou.

— Comment ! vous n’avez plus le sou ?

— Non. J’ai aventuré ma petite fortune, et je l’ai perdue.

— Entièrement ?

— Entièrement.

— Ah ! pauvre garçon !

— Aussi, je viens vous demander…

— Quoi ?… Ce n’est pas un conseil pour la refaire, n’est-ce pas ?

— Non. C’est votre protection.

— Auprès du ministère ? demandai-je étonné.

— Non.

— Auprès du roi ? demandai-je plus étonné encore.

— Non.

— Auprès du duc d’Orléans ?

— Oui !

Je me rembrunis. Cette sainte et respectueuse amitié que j’avais vouée au duc, j’aurais tellement voulu la rendre pure de tout intérêt, afin que lui-même en comprît la réalité par le désintéressement, que, chaque fois qu’on me priait de demander quelque chose au prince royal, on me causait une peine réelle.

— Auprès du duc d’Orléans ! répétai-je. Et que voulez-vous donc, mon cher Louêt, que je demande pour vous au duc d’Orléans ?

— Une petite place.

— Une petite place !

Et je haussai les épaules.

— Il ne vous refusera pas cela, à vous, ajouta Louët.

— Mais si, au contraire, cher ami, il me refusera cela, parce que je serrai le premier à lui dire de me le refuser.

— Pourquoi cela ?

— Parce que vous n’avez aucun titre, parce que vous ne connaissez pas M. le duc d’Orléans.