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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/15

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Louët sortit sur cette douce promesse, et j’écrivis au prince royal, lui demandant un rendez-vous pour le lendemain matin.

Un quart d’heure après, j’avais mon rendez-vous.

Je logeais, à cette époque, rue de Rivoli, no 22 ; mes fenêtres donnaient juste sur celles du duc d’Orléans, et souvent il répondait lui-même par un signe à des demandes du genre de celle que je venais de lui adresser.

Au reste, ces demandes étaient rares ; j’attendais toujours que le prince me fit appeler. Je savais avec quelle répugnance le roi et surtout la reine me voyaient aller chez leur fils.

Aussi, le lendemain, quand je me présentai chez le prince :

— Eh ! vous voilà ! me dit-il ; que diable avez vous donc de si pressé à me demander ?

— Ah ! monseigneur, une grâce que vous m’accorderez, j’en suis sûr, avec le plus grand plaisir.

— De qui où de quoi est-il question ?

— Je ne sais pourquoi monseigneur s’explique si catégoriquement avec moi ; il sait que je ne suis pas puriste.

— N’importe, il est bon de prouver que, quoique prince royal, on a fait ses classes.

— Justement, je viens parler à monseigneur d’un de ses camarades de collège.

— En resterait-il un qui ne fût pas placé ? me demanda-t-il.

— Oui, monseigneur, et je l’ai découvert, répondis-je.

— Oh ! vous, je ne sais ce que vous ne découvririez pas…

— Dame ! monseigneur, quand on a découvert la Méditerranée.

— Eh bien, qu’avez-vous découvert encore ?

— Je vous l’ai dit, un camarade de classe à monseigneur.

— Et qui se nomme ?

Je tirai le petit papier de ma poche, prêt à l’utiliser à la première occasion.

— Louët, monseigneur.

Le duc jeta un cri.

— Oh ! quel cancre ! dit-il.