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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/171

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

La Fayette répondit à la députation à peu près la même chose qu’il m’avait dite la veille au soir :

— Mes amis, si vous me croyez utile à la cause de la liberté, disposez de moi.

Et il se remit aux mains de la députation.

Le cri de « Vive la Fayette ! » retentit dans les salons de Laffitte, et se prolongea dans la rue.

La Fayette, se retournant vers les députés :

— Vous le voyez, messieurs, dit-il, on m’offre de prendre le commandement de Paris, et je crois devoir accepter.

Ce n’était pas le moment d’être d’un avis contraire ; l’adhésion fut unanime.

Il n’y eut pas jusqu’à M. Bertin de Vaux qui ne s’approchât de la Fayette pour lui offrir quelques paroles de félicitation que je n’entendis pas.

J’étais déjà dans l’antichambre, dans la cour, dans la rue, criant :

— Place au général la Fayette, qui se rend à l’hôtel de ville !

L’unanimité des cris de « Vive la Fayette ! » prouva que l’homme de 1789 n’avait pas perdu, en 1830, un atome de sa popularité.

La belle chose que la liberté, et comme c’est bien la déesse immortelle et infaillible ! La Convention passe, le Directoire passe, le Consulat passe, l’Empire passe, la Restauration passe, têtes et couronnes tombent ! et l’homme que la liberté a sacré roi du peuple en 1789, se retrouve roi du peuple en 1830.

La Fayette sortit, appuyé d’un côté sur Carbonnel ; de l’autre, sur un député que je ne connaissais pas, et dont je demandai le nom ; c’était Audry de Puyraveau.

Tout ce qu’il y avait là d’hommes, de femmes, d’enfants, fit cortège à l’illustre vieillard, que l’on honorait et glorifiait parce que l’on comprenait qu’en lui vivait la pensée de la Révolution. Et, cependant, tout avancé qu’était cet homme, combien encore était-il distancé par les jeunes gens !

Dans la rue Neuve-Saint-Marc, à la porte du National,