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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/185

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

que je crois cette révocation fatale, non-seulement aux intérêts de la monarchie, mais encore à ceux de la France.

Les intérêts de la monarchie et ceux de la France ! De quoi diable Charles X parlait-il donc à ces messieurs ? Que leur importaient les intérêts de la monarchie et ceux de la France, quand il s’agissait de leurs intérêts, à eux !

Ils montèrent en calèche, et repartirent au galop.

Sur la route, on rencontra Paris armé, qui débordait des maisons dans les rues, des rues hors de la ville.

M. de Sémonville criait à tous ces hommes aux bras nus et aux chemises sanglantes :

— Mes amis, le roi révoque les ordonnances ; les ministres sont f…!

M. de Sémonville croyait parler la langue du peuple, il ne parlait que le patois de la canaille.

M. de Vitrolles distribuait des poignées de main.

Si ces hommes qui rendaient à M. de Vitrolles ses poignées de main avaient su son nom, comme, au lieu de lui serrer la main, ils lui eussent serré le cou !

Sur les quais, les négociateurs furent obligés de quitter leur calèche : les barricades commençaient, et, avec elles, l’égalité de la locomotion.

On arriva à l’hôtel de ville. En montant le perron, on se croisa avec Marrast, qui, reconnaissant les trois négociateurs, s’arrêta pour les regarder.

M. de Sémonville, lui, ne connaissait pas Marrast ; mais, voyant un jeune homme élégant au milieu de toute cette foule tant soit peu déguenillée, il s’adressa à lui.

— Jeune homme, lui demanda-t-il, peut-on parler au général la Fayette ?

Il n’osait pas dire monsieur, et ne voulait pas dire citoyen.

Marrast lui indiqua le chemin.

Ces messieurs furent introduits devant la commission municipale. Ils allaient commencer l’exposé de leur mission sans qu’on songeât à prévenir le général la Fayette, qu’ils étaient venus chercher.

Cela eût peut-être fait l’affaire de quelques membres de la