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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/205

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Un mot sur ce qui se passait au moment où Bart courait à toutes jambes le long du quai Pelletier, et où j’en faisais autant le long de la rue Saint-Martin.

Étienne Arago, débarrassé de ses hommes, rentrait au National.

— Ah ! sais-tu une nouvelle ? lui dit Stapfer.

— Laquelle ?

— Thiers est retrouvé.

— Ah ! bah ! Et où est-il ?

— Il est là-haut… Il cherche un sujet d’article.

— Eh bien, je lui en apporte un.

— Tu sais qu’il est défendu d’entrer dans son cabinet quand il travaille ?

— Bah ! on est bien entré dans celui du roi !

— Alors, entre ; tu lui donneras cette raison-là, et il sera bien difficile s’il ne la trouve pas bonne.

Arago entra.

Thiers se retourna pour voir quel était l’impudent qui violait la consigne.

Il reconnut Arago.

Arago venait de jouer un rôle immense dans le drame en cours de représentation.

La figure de l’illustre publiciste, déjà refrognée, s’adoucit donc à sa vue.

— Ah ! c’est vous ! dit-il,

— Oui… Je vous cherche pour vous donner un sujet d’article.

— Lequel ?

Arago lui raconta toute l’aventure de Montrouge, et comment M. le duc de Chartres avait pu partir à temps.

Thiers écoutait avec la plus grande attention !

— Eh ! eh ! dit-il quand Arago eut fini, qui sait ? vous avez peut-être sauvé la vie à un fils de France…

Arago resta la bouche béante et les yeux démesurément ouverts.

Voilà donc où le vent soufflait le 30 juillet 1830, à trois heures un quart de l’après-midi.