Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
287
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

La Fayette entraîna le duc d’Orléans sur le balcon de l’hôtel de ville. Pour la seconde fois, il jouait sa popularité sur un coup de dé. La première fois, ç’avait été le 6 octobre 1789, lorsqu’il avait baisé la main de la reine sur le balcon du palais de Versailles. La seconde fois, c’était le 31 juillet 1830, lorsqu’il apparaissait sur le balcon de l’hôtel de ville tenant le duc d’Orléans dans les bras.

Un instant on put croire l’effet de cette apparition manqué ; la place, pavée de têtes aux yeux étincelants, aux bouches béantes, restait muette.

Georges la Fayette passa un drapeau tricolore à son père. Les plis flottèrent autour du général et du duc, dont ils effleuraient le visage ; tous deux semblèrent au peuple, non pas resplendissants de leur propre lumière, mais éclairés par le reflet céleste, et le peuple éclata en applaudissements.

La partie était gagnée.

Ô joueurs politiques ! que vous êtes forts quand il faut élever un homme nouveau ! que vous êtes faibles lorsqu’il faut soutenir un pouvoir vieilli !

La rentrée du duc d’Orléans au Palais Royal fut un triomphe. Rien ne lui manquait plus : il avait la triple reconnaissance de la chambre des pairs, de la chambre des députés et de l’hôtel de ville. Il était l’homme de M. de Sémonville, de M. Laffitte et de la Fayette.

Aussi, dès le même soir, une de ces voitures qu’on appelle les carolines ramenait-elle de Neuilly au Palais-Royal la femme, la sœur et les enfants du lieutenant général du royaume.

Le duc de Chartres manquait seul à la réunion.

On l’avait renvoyé à Joigny, comme on sait.

Sur la route de Joigny, sa voiture avait croisé une autre voiture.

Cette seconde voiture était celle de madame la duchesse d’Angoulême, revenant des eaux, où elle avait été prévenue par le télégraphe que des troubles graves agitaient Paris.

Les deux voitures s’arrêtèrent. Le prince et la princesse s’étaient reconnus.