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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

nial aussi bien qu’homme du royaume, n’ignorait pas qu’un roi de France donne des fêtes, mais n’en accepte pas. Il y avait bien un précédent à cette dérogation : une centaine d’années auparavant, Louis XV, en revenant de je ne sais quel voyage ou quelle fête, avait passé trois jours chez M. le prince de Condé ; mais c’était à la campagne, à Chantilly, ce qui était sans conséquence. Il est vrai aussi qu’en allant chez le duc d’Orléans, on allait chez la duchesse, et que la duchesse était fille d’un roi et d’un vrai Bourbon, comme disait madame la duchesse d’Angoulême, ce qui n’était pas gracieux pour les d’Orléans, lesquels, alors, se trouvaient de faux Bourbons ; mais c’était si beau de recevoir le roi chez soi ! un si grand honneur devait en rejaillir sur le lambel d’or de la famille, que le duc d’Orléans ferma les yeux pour ne pas voir la grimace que faisait madame la dauphine, ferma les oreilles pour ne pas entendre les paroles que disait madame la duchesse d’Angoulême, et, poursuivant sa demande, insista si respectueusement, que Charles X se laissa fléchir, à la condition qu’une compagnie de ses gardes occuperait le Palais-Royal une heure avant son arrivée.

C’était une bien misérable question que cette question d’étiquette, comparée à celle qui se débattait à cette heure entre le peuple et la monarchie.

Une fois la promesse royale obtenue, toute la maison ne songea plus qu’au bal.

On résolut de montrer au roi de Naples toutes les illustrations littéraires et artistiques de la France. Le roi Charles X, qui les connaissait peu ou point, les verrait en même temps ; on ferait ainsi d’une pierre deux coups.

Il parait que j’étais une fausse illustration, comme les d’Orléans étaient de faux Bourbons ; car j’avais été, sinon oublié, du moins omis sur la liste.

Le duc de Chartres réclama, et l’excellent jeune homme eut la joie de m’envoyer un billet d’entrée.

J’hésitais à aller à la fête. Cet homme que je devais y voir, c’était le fils de ce roi et de cette reine qui avaient empoisonné mon père. Mais ne pas répondre à l’invitation, c’eût été