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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/56

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

vait du carré de gazon d’un des parterres, et semblait jaillir du piédestal de la statue d’Apollon.

Voici ce qui était arrivé. Les nombreux spectateurs de la fête princière, entassés dans le jardin du Palais-Royal, avaient voulu avoir leur part de plaisir : au mépris des sentinelles qui gardaient les carrés de gazon, une douzaine de jeunes gens avaient enjambé les balustrades, et, se tenant par la main en chantant le vieux Ça ira révolutionnaire, ils avaient commencé une ronde.

Pendant ce temps, d’autres jeunes gens s’étaient amusés à établir une pyramide de chaises, et à illuminer cette pyramide en plaçant dans les interstices des chaises des lampions pris à droite et à gauche.

Le principal architecte de ce tremblant édifice, le principal acteur de cette ronde révolutionnaire, était un jeune homme à qui sa mort a donné, quelque célébrité.

Il s’intitulait homme de lettres, et s’appelait Alphonse Signol.

Trois jours auparavant, il était venu m’apporter, en me priant de le lire, un drame ayant pour titre : le Chiffonnier.

Certes, le drame n’était pas sans mérite, — et l’on verra plus tard ce qu’il devint, — mais c’était si loin de la littérature que je faisais, et que, par conséquent, je comprenais, qu’il m’eût été impossible de l’aider en rien, même d’un conseil.

Tant que Signol n’avait fait que poser les lampions sur les chaises, tout avait bien été ; mais il s’avisa de poser les chaises sur les lampions, et tout alla mal.

La flamme d’un lampion gagna la paille d’une chaise, et le bûcher s’alluma.

De là les cris, de là les lueurs, de là les femmes fuyant à travers les arbres du jardin et sous les arcades des galeries de pierre.

Ce tumulte attira vite l’attention des hôtes de M. le duc d’Orléans.

Des cris et un incendie dans ce jardin du Palais-Royal