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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/8

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

On avait même laissé le fameux vers sur le hochet royal, tout incendiaire qu’il était, et l’envoi de la couronne au protecteur, quelle que fût la catastrophe qui pouvait résulter de cette réminiscence historique !

Les répétitions interrompues reprirent donc leur cours.

Cependant, au milieu de toutes mes tribulations, je n’en allais pas moins à la bibliothèque du Palais-Royal, et, à la bibliothèque du Palais-Royal, j’avais fait une nouvelle connaissance.

Cette connaissance était celle de M. le duc de Chartres.

M. le duc de Chartres était, à cette époque, un charmant enfant comme il a été, depuis, un charmant prince ; assez mauvais écolier, quoi qu’en disent ses maîtres ; — et, de crainte que, pour l’honneur du professorat, ils ne me démentent, je citerai tout à l’heure une anecdote à ce sujet.

M. le duc de Chartres était donc, ainsi que je l’ai dit, un charmant enfant de dix-sept ans, et, comme j’en avais vingt-sept, moi, la différence d’âge n’étant pas, entre nous deux, aussi grande qu’elle l’était entre lui et Casimir Delavigne, ou entre lui et Vatout, c’était d’ordinaire à moi qu’il s’adressait.

En outre, mon nom faisait beaucoup de bruit dans ce moment-là ; on me prêtait une foule d’aventures, comme, depuis, on m’a prêté une foule de mots. J’avais des passions africaines, disait-on, et on en appelait à mes cheveux crépus et à mon teint bruni, qui ne pouvaient ni ne voulaient démentir mon origine tropicale. Tout cela était curieux pour un enfant qui devenait jeune homme, et qui sentait l’art comme nous l’exprimions, ou plutôt comme je l’exprimais, puisque, à cette époque, rien d’Hugo n’avait encore paru, dramatiquement parlant.

Hernani ne devait être représenté que le 25 février 1830, et ce commencement de relations dont je parle avait lieu vers la fin de 1829.

M. le duc de Chartres me traitait donc en homme se rapprochant ou plutôt ne s’éloignant pas trop de son âge, et, quand il pouvait s’échapper, venait causer avec moi.