CLXXVI
Je revins le soir. Dorval était seule : elle m’attendait.
— Ah ! ma foi ! m’écriai-je, je n’espérais pas un tête-à-tête.
— J’ai dit que j’avais une lecture.
— Et as-tu dit qui lisait ?
— Oh ! non ; mais, d’abord, viens t’asseoir ici, et écoute-moi, mon bon chien.
Je me laissai conduire à un fauteuil. Je m’assis.
Elle resta debout devant moi, avec ses deux mains dans les miennes ; elle me regarda de son bon et doux regard.
— Tu m’aimes, toi, n’est-ce pas ? me dit-elle.
— De tout mon cœur !
— Tu m’aimes véritablement ?
— Puisque je te le dis.
— Pour moi ?
— Pour toi.
— Tu ne voudrais donc pas me faire de la peine ?
— Ah ! grand Dieu !
— Tu désires que je joue ton rôle ?
— Puisque je te l’apporte.
— Tu ne veux pas entraver ma carrière ?
— Ah çà ! mais tu es folle !
— Eh bien, ne me tourmente plus comme tu as fait ce matin. Je n’aurais pas la force de me défendre, moi, et… et je suis heureuse comme je suis ; j’aime de Vigny, il m’adore. Tu sais, il y a des hommes que l’on ne trompe pas, ce sont les hommes de génie, ou, si on les trompe, ma foi, tant pis pour celles qui les trompent !