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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/311

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Seulement, Barthélemy m’écrivait, il y a quelque temps, qu’il restait à certains esprits faibles un grave scrupule : les enfants baptisés, les adultes mariés, les vieillards enterrés par l’abbé Ledru, pendant son schisme avec Grégoire XVI, étaient-ils bien baptisés, bien mariés, bien enterrés ? Ce n’était rien pour les baptisés, qui pouvaient revenir chercher le baptême d’une main orthodoxe ; ce n’était rien pour les mariés, qui n’avaient qu’à se faire dire une seconde messe, et à repasser sous le poêle, mais c’était énorme pour les morts, qu’on ne savait plus où aller chercher, ni reconnaître les uns des autres. Heureusement, Dieu reconnaîtra bien, lui, ceux que la faiblesse des yeux des hommes ne leur permet pas de reconnaître, et je suis certain qu’il pardonnera aux Lévois leur hérésie momentanée en faveur de leur bonne intention.

Cet événement, et l’adhésion de Casimir Delavigne au culte de la religion française, fut le point culminant de la fortune de l’abbé Châtel, primat des Gaules.

Casimir Delavigne, qui donnait sa sanction à tout nouveau pouvoir ; qui sanctionna le pouvoir de Louis XVIII dans sa pièce intitulée : Du besoin de s’unir après le départ des étrangers ; qui sanctionna le pouvoir de Louis-Philippe dans son immortelle ou plutôt dans son éternelle Parisienne ; Casimir Delavigne sanctionna le pouvoir du primat des Gaules en traduisant pour lui le Dies iræ, dies ilia, qui fut chanté par les choristes de l’abbé Châtel lors de la messe que celui-ci dit en français pour le service funèbre de Kosciusko.

L’abbé Châtel avait cela de bon qu’il s’était déclaré franchement pour les peuples contre les rois.

Voici cette pièce, assez peu connue, et qui mérite de l’être davantage. C’est donc dans l’espoir d’accroître sa réputation que nous la mettons sous les yeux de nos lecteurs. Elle fut chantée à l’église française le 23 février 1831 :

Jour de colère, jour de larmes,
Où le sort, qui trahit nos armes,
Arrêta son vol glorieux !