Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Bientôt ce ne fut point assez ; à peine se montrait-il, que les spectateurs entonnaient la Marseillaise ; alors, de sa voix, que j’ai déjà déclaré être aussi fausse que celle du roi Louis XV, Louis-Philippe entonnait la Marseillaise à son tour.

Bientôt ce ne fut point assez encore : il fallut que le lieutenant général, après s’être montré, après avoir chanté, descendit dans la cour, et donnât aux chiffonniers et aux commissionnaires des poignées de main et des accolades.

Je l’ai vu descendre deux ou trois fois en une heure, remonter avec sa perruque à l’envers, s’essuyer le front, se laver les mains, et maudire énergiquement le métier qu’il était forcé de faire.

Ah ! monseigneur, ne saviez-vous point cela, que, de prince, on ne se fait pas roi sans être obligé de s’essuyer le front et de se laver les mains ?

Le duc de Chartres arriva à la tête de son régiment, et entra au Palais-Royal juste au moment où son père se popularisait de la façon que je viens de dire.

Je n’oublierai jamais comment il se redressa sur sa selle, et quel coup d’œil il jeta sur cette scène.

Ce fut une grande joie pour la pauvre duchesse, que l’arrivée de ce fils aîné, le seul qui lui manquât alors ; elle savait le danger qu’il avait couru, et il lui en était devenu plus cher.

Lorsqu’il entra dans les appartements de son père, j’en sortais pour n’y jamais plus rentrer, qu’une dernière fois, appelé par le roi lui-même.

Ce spectacle d’un prince mendiant la couronne me soulevait le cœur. Le jeune duc me tendit la main ; je la pris et la serrai, les larmes aux yeux. Je devais être quatre ans sans serrer cette main si franche et si loyale ; je croyais, en ce moment, me séparer à toujours du duc de Chartres, et, par conséquent, toucher sa main pour la dernière fois. Je dirai en son lieu et place quelle circonstance me rapprocha de lui.

En sortant du Palais-Royal, je tombai sur une affiche.