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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/36

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Que diable se passe-t-il donc ? lui demandai-je.

— Il se passe, mon cher, que Charles X marche sur Paris avec vingt mille hommes et cinquante pièces de canon, et que tout Paris se soulève pour marcher, de son côté, au-devant de lui… En es-tu ?

— Pardieu ! si j’en suis ! m’écriai-je en sautant à bas du lit ; je crois bien que j’en suis !

J’appelai Joseph, ne m’apercevant pas que sa tête, tout effarée, apparaissait derrière la tête de Delanoue.

— Me voilà, monsieur, dit-il, me voilà !

— Donne-moi mon costume de chasse, et porte mon fusil à laver chez le premier armurier.

— Ne lui fais pas porter ton fusil chez un armurier, dit Delanoue, on le lui prendra en route.

— Comment, dis-je, on le lui prendra ?

— Sans doute… C’est pis que dans les trois journées !

— Alors, mon cher Joseph, lave le fusil toi-même.

— Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! dit Joseph, monsieur va donc retourner encore à Soissons ?

— Non, Joseph ; je vais, au contraire, du côté absolument opposé.

— À la bonne heure !

Je m’habillai rapidement.

Tandis que je m’habillais, Harel entra.

— Ah ! bon ! je vous trouve ! dit-il.

— Bonjour, Harel… Qu’y a-t-il, mon ami ?

— Il y a, dit Harel en tirant sa tabatière de son gousset, et en fourrant dans sa tabatière le pouce et l’index jusqu’à la première phalange, il y a que j’ai une idée de pièce…

Il respira voluptueusement sa prise, abandonnant, selon l’habitude des grands amateurs, au parquet et à l’air les trois quarts de son tabac.

— Et une bonne ! ajouta-t-il.

— Eh bien, cher ami, vous me la communiquerez à mon retour.

— Où allez-vous ?

— À Rambouillet, donc !