Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

d’art et de nationalité, des ouvriers qui, par l’ordre du préfet, et sous la direction d’un architecte du cru, convertissaient en consoles les mascarons de la cathédrale ! De sorte que vous pourriez voir, maintenant, — à votre grande satisfaction si vous n’aimez pas ces figures merveilleusement grimaçantes que le moyen âge clouait à ses cathédrales, — un entablement roman soutenu par des consoles grecques dans le genre de celles de la Bourse, autre merveille qui, en sa qualité de monument moderne, est moitié grec, moitié romain, et n’a de français que ses tuyaux de poêle.

Disons de plus qu’on grattait cette cathédrale sans respect de ce bruni qu’il avait fallu huit siècles pour étendre à sa surface ; cela lui donnait un air de pâleur maladive qu’ils appelaient de la jeunesse… Hélas ! il faut vingt-cinq ans pour faire un homme : un Suisse bon royaliste tire dessus, et le tue ! Il faut six ou huit cents ans pour colorer un bâtiment : un architecte de bon goût arrive et le gratte !… Pourquoi donc le Suisse ne tue-t-il pas l’architecte ? ou pourquoi l’architecte ne gratte-t-il pas le Suisse ?

Nous descendîmes sur la promenade ; je passai devant le vieux château, construction du xe siècle entourée de fossés, flanquée de douze tours massives ; on dirait l’ouvrage d’un peuple et l’habitation d’une armée.

— Ah ! me dit mon pauvre Pavie avec un soupir, on va l’abattre… Il gêne la vue !

Comme, ce jour-là, je reçus enfin une lettre d’Oudard m’annonçant que la grâce était accordée, et que les formalités à accomplir au ministère de la justice retardaient seules la mise en liberté du condamné, je me hâtai de faire parvenir la lettre à celui qu’elle intéressait directement, et, rien ne me retenant plus à Angers, je sautai dans une voiture qui passait, tant il me tardait de quitter cette ville de démolisseurs, et je me fis conduire aux Ponts-de-Cé.

C’est pourtant à Angers que sont nés Béclard et David, — soit dit pour lui épargner quelques malédictions.

Sur la route, nous traversâmes un long village, la Mercerie, je crois ; on inaugurait le nouveau maire. Deux pièces de ca-