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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/185

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Il y a deux prix : quand ce sont des peintres, c’est quarante sous.

— Comment, quarante sous ?… quarante sous pour quoi ?

— Pour la nourriture et le logement, donc !

— Ah ! quarante sous !… Et combien de repas ?

— Tant qu’on veut ! deux, trois, quatre… à sa faim, quoi !

— Bien ! vous dites donc que c’est quarante sous par jour ?

— Pour les peintres… Êtes-vous peintre, vous ?

— Non.

— Eh bien, ça sera cinquante sous, et cinquante sous pour votre dame, cent sous.

Je ne pouvais pas croire au chiffre.

— Cent sous, alors… pour deux, trois ou quatre repas et deux chambres ?

— Cent sous… Est-ce que vous croyez que c’est trop cher ?

— Non, si vous ne nous augmentez pas.

— Et pourquoi donc faire vous augmenterais-je ?

— Dame ! ça s’est vu.

— Ah ! pas ici… Si vous étiez peintre, ça ne serait que quarante sous.

— D’où vient ce rabais au profit des peintres ?

— C’est que ce sont de bons enfants, et que je les aime. Ce sont eux qui ont commencé la réputation de mon auberge.

— À propos, connaissez-vous un peintre nommé Decamps ?

— Decamps ? Je crois bien !

— Et Jadin ?

— Jadin ? Je ne connais que ça.

Je crus que la mère Oseraie se vantait ; mais j’avais une pierre de touche.

— Et Huet ? lui demandai-je.

— Oh ! celui-là, certainement que je le connais aussi.

— Vous ne vous rappelez rien de particulier sur lui ?

— Si fait, je me rappelle que je lui ai sauvé la vie.

— Bah ! et comment cela, donc ?

— Un jour qu’il s’étranglait avec une arête de sole… Faut-il être bête de s’étrangler avec une arête de sole !

— Et de quelle façon lui avez-vous sauvé la vie ?