Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ces épreuves : c’est du dernier des vauriens que devait sortir le premier des protestants !

À l’industrie du jeu, il enjoignait une autre moins éventuelle. Sur le boulevard Bonne-Nouvelle, où il demeurait alors, les passants ont pu observer une tête servant d’enseigne, et sur le crâne chauve de laquelle un artiste quelconque avait peint en bleu et en rouge la topographie cérébrale des facultés, des sentiments et des instincts ; cette tête cabalistique indiquait qu’ici on donnait des consultations de phrénologie.

Maintenant, il est bon de dire comment Gannot était arrivé à l’apogée de la science des Gall et des Spurzheim.

Fils d’un chapelier, il avait remarqué, tout enfant, dans la boutique de son père, les formes si diverses de chapeau en rapport avec les formes si variées de la tête. Il s’était ainsi créé un système phrénologique à lui, qu’il développa plus tard par l’étude superficielle de l’anatomie.

Gannot était médecin, ou, pour mieux dire, officier de santé ; ce qu’il avait appris tenait peu de place dans sa mémoire ; mais, doué d’un tact fin et pénétrant, il analysait avec une espèce de seconde vue les caractères et les têtes qui tombaient sous sa main.

Un jour qu’accablé par une perte d’argent qu’il venait de faire au jeu, ne trouvant plus devant lui que misère et désespoir, il s’abandonnait aux plus sombres résolutions, une femme du monde, belle, jeune riche, descend de voiture, monte son escalier, et frappe à sa porte.

Elle venait demander au devin la bonne aventure de sa tête. Si magnifique créature qu’elle fût, Gannot ne vit ni elle, ni sa beauté, ni son trouble, ni son hésitante rougeur ; elle s’assit, ôta son chapeau, découvrit d’admirables cheveux blonds, et livra sa tête au phrénologue.

Le docteur mystérieux passa négligemment sa main dans ces ondes d’or.

Son esprit était ailleurs.

Rien pourtant de plus riche que les plans et les contours qui se développaient sous le toucher du maître. Au moment où sa main arrivait à un endroit situé à la base du crâne que