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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/71

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


» — Enfant de Dieu, dit-il, sois attentif, et regarde !
» Et j’ai regardé.
» Et j’ai vu un immense vaisseau surmonté d’un mât gigantesque terminé en ruche ; et l’un des flancs du vaisseau regardait l’occident, et l’autre l’orient.
» Et, du côté de l’occident, ce vaisseau s’appuyait sur les sommets nuageux de trois montagnes dont la base se perdait dans une mer furieuse.
» Et chacune de ces montagnes portait son nom sanglant attaché à son flanc : — la première s’appelait Golgotha ; la seconde,

Mont-Saint-Jean ; la troisième, Sainte-Hélène.
» Et, au centre du mât gigantesque, du côté de l’occident, était fixée une croix à cinq branches sur laquelle expirait une femme. Au-dessus de la tête de cette femme, on lisait :

France.
18 juin 1815.
Vendredi saint.

» Et chacune des cinq branches de la croix sur laquelle elle était étendue représentait une des cinq parties du monde ; sa tête reposait sur l’Europe, et un nuage l’entourait.
» Et, du côté du vaisseau qui regardait l’orient, les ténèbres n’existaient pas ; et la carène était arrêtée au seuil de la cité de Dieu, sur le faîte d’un arc triomphal que le soleil illuminait de ses rayons.
» Et la même femme apparaissait de nouveau, mais transfigurée et radieuse ; elle soulevait la pierre d’un sépulcre, et sur cette pierre il était écrit :

Restauration, jours du tombeau.
29 juillet 1830.
Pâques.

» Et son fiancé lui tendait les bras en souriant, et ils s’élançaient ensemble vers les cieux.
» Et, des profondeurs de l’arche sainte, sortait une voix puissante qui disait :