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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/90

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

que, à Patay, à Fornoue, à Ravenne, à Marignan, à Renty, à Arques, à Rocroy, à Steinkerque, à Almanza, à Fontenoy, sur les mers de l’Inde, sur les lacs de l’Amérique ; qu’après la fortune de cinquante victoires, nous avons la gloire de vingt défaites qui eussent suffi à anéantir un autre peuple ; que les Romains nous ont envahis, et que nous les avons chassés ; que les Francs nous ont envahis, et que nous les avons chassés ; que les Anglais nous ont envahis, et que nous les avons chassés.

Au reste, cette opinion que je manifeste aujourd’hui sur le grattage des fleurs de lis, et que je manifestais bien plus hautement à cette époque par ma démission, était aussi celle de Casimir Périer.

Le lendemain du jour où les fleurs de lis avaient disparu des voitures du roi, des balcons du Palais-Royal, et même du bouclier de Bayard, tandis que l’effigie d’Henri IV était conservée sur la croix de la Légion d’honneur. M. Chambolle, le même qui, depuis, créa le journal orléaniste l’Ordre, se présenta chez M. Casimir Périer.

— Eh bien, nom de Dieu ! lui demanda celui-ci, il paraît que le roi sacrifie ses armoiries ? Eh ! f…… ! c’était le lendemain de la révolution qu’il fallait s’y décider ; et je le lui conseillais ; mais non, il ne voulait point alors qu’on les effaçât, ces fleurs de lis auxquelles il tient encore plus que ses aînés. Maintenant, l’émeute passe sous sa fenêtre, et le voilà qui f… son écusson dans le ruisseau !

Ceux qui ont connu l’irascible caractère de Casimir Périer ne s’étonneront pas des fleurs de rhétorique dont ces quelques mots sont ornés.

Maintenant qu’il n’y a plus d’archevêché ni de fleurs de lis, qu’on est en train d’abattre la statue du duc de Berry à Lille, de piller le séminaire de Perpignan, et de détruire les bustes de Louis XVIII et de Charles X à Nîmes, revenons à Antony, qui devait faire, en littérature, une émeute près de laquelle les émeutes que nous venons de citer n’étaient que des jeux d’écoliers en vacances.