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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/128

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Il s’agit de mettre : l’Assassin par amour, par M. Eugène Scribe.

— Bene ! Après ?

— Vous voyez ce qu’il y a là ?

— La Tour de Nesle, par MM. Gaillardet et Doumasse.

— Il s’agit de mettre l’Adultère puni, par M. Eugène Scribe.

— Bene ! bene !

Au bout d’une heure, les cartons étaient composés, tirés et collés ; le même jour, les quatre pièces étaient déposées aux bureaux de la censure.

Trois jours après, elles étaient rendues avec le visa.

Les censeurs n’avaient pas fait la plus petite observation, n’avaient pas trouvé le plus petit mot à dire.

C’est tout au plus si le comité de censure n’avait pas proposé au grand-duc de fonder un prix de vertu en faveur de quatre pièces si édifiantes.

Le même soir, toute la ville, à l’exception de MM. les censeurs, savait qu’on venait de permettre la représentation de quatre pièces de M. Alexandre Dumas, cachées sous le pseudonyme moral d’Eugène Scribe.

Je n’ai jamais eu succès pareil. On trouva ces quatre ouvrages des chefs-d’œuvre d’innocence ; le grand-duc, l’homme le plus innocent de son grand-duché, applaudit à tout rompre !

Scribe, à cette occasion, allait recevoir la croix de commandeur de Saint-Joseph. Par bonheur pour Scribe, quelqu’un révéla la supercherie au grand-duc.

Scribe en fut quitte pour la peur.