Page:Dumas fils - La Dame aux camélias, 1852.djvu/210

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Prudence ouvrit une fenêtre, et nous nous accoudâmes à côté l’un de l’autre sur le balcon.

Elle regardait les rares passants, moi je rêvais.

Tout ce qu’elle m’avait dit me bourdonnait dans la tête, et je ne pouvais m’empêcher de convenir qu’elle avait raison ; mais l’amour réel que j’avais pour Marguerite avait peine à s’accommoder de cette raison-là. Aussi poussais-je de temps en temps des soupirs qui faisaient retourner Prudence, et lui faisaient hausser les épaules comme un médecin qui désespère d’un malade.

« Comme on s’aperçoit que la vie doit être courte, disais-je en moi-même, par la rapidité des sensations ! Je ne connais Marguerite que depuis deux jours, elle n’est ma maîtresse que depuis hier, et elle a déjà tellement envahi ma pensée, mon cœur et ma vie, que la visite de ce comte de G… est un malheur pour moi.

Enfin le comte sortit, remonta dans sa voiture et disparut. Prudence ferma sa fenêtre.

Au même moment Marguerite nous appelait.

— Venez vite, on met la table, disait-elle, nous allons souper.

Quand j’entrai chez elle, Marguerite. courut à moi, me sauta au cou et m’embrassa de toutes ses forces.