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Page:Dumas fils - La Dame aux camélias, 1852.djvu/22

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VIII


par malheur son regard venait à se poser sur quelqu’une de ces renommées douteuses et de ces têtes charmantes qui usurpent les plus belles stalles du théâtre dans les grands jours.

Son compagnon, car cette fois elle avait un cavalier, était un beau jeune homme à moitié Parisien, et conservant encore quelques reliques opulentes de la maison paternelle, qu’il était venu manger, arpent par arpent, dans cette ville de perdition. Le jeune homme, à son aurore, était fier de cette beauté à son apogée, et il n’était pas fâché de s’en faire honneur en montrant qu’elle était bien à lui, et en l’obsédant de ces mille prévenances si chères à une jeune femme quand elles viennent de l’amant aimé, si déplaisantes lorsqu’elles s’adressent à une âme occupée autre part… On l’écoutait sans l’entendre, on le regardait sans le voir… Qu’a-t-il dit ? la dame n’en savait rien ; mais elle essayait de répondre, et ces quelques paroles, qui n’avaient pas de sens, devenaient pour elle une fatigue.

Ainsi, à leur insu, ils n’étaient pas seuls dans cette loge dont le prix représentait le pain d’une famille pour six mois. Entre elle et lui s’était placé le compagnon assidu des âmes malades, des cœurs blessés, des esprits à bout de tout ; l’ennui, cet im-