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Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/110

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Jean fit un signe d’ignorance.

— C’est pourtant vrai. J’ai entendu parler de cela beaucoup de femmes âgées. Car dans mon monde, Jean, les femmes entre elles sont sincères et se confient volontiers. Toutes disent que leur premier amant a laissé une trace ineffaçable en elles. C’est que leur choix avait été bon.

— Mais si l’homme les a quittées, ou s’est marié ailleurs, leur choix n’était pas si bon que ça.

— Nous ne cherchons pas la durée du sentiment, Jean. Qui peut dire la chercher ? Qui peut dire comment le sentiment se conserve ? Nous cherchons sa plénitude. Bien des femmes ont elles-mêmes trompé leur premier amant ou l’ont délaissé. Elles espéraient un meilleur bonheur. Personne ne sait d’ailleurs, ni elles, ce qu’elles espéraient. Mais plus tard elles surent reconnaître que leur premier choix valait mieux que les suivants. Et c’est bien ce que j’ai voulu dire.

Jean, troublé par cette psychologie, démentant toute la littérature dont il était gorgé, médita un instant. Lucienne le regardait. Enfin elle but un nouveau verre de liqueur et se leva, l’air indolent. Il n’y avait qu’un pas à faire vers Jean, mais elle le fit comme s’il avait été infini. Arrivée au-dessus de la tête du jeune