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Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/214

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sur le même plan que le plaisir. Sans doute avait-elle pour partie raison, car une joie peut colorer bien des soucis et faire oublier la misère. Jouir de la minute d’abord, tel était son instinct. Elle avait assez souffert en son enfance pour refuser de sacrifier à quelque thèse une satisfaction offerte, qui était à sa portée.

Puisque Jean semblait se dérober, elle le conquerrait…

Autour des deux enfants qui se regardaient comme dans l’arène antique le rétiaire avec son filet et le mirmillon avec son armure, la nuit campagnarde déroulait son ciel velu d’astres. Des millions de folioles épuraient l’air, la vie minuscule d’innombrables bêtes se répandait violente et cruelle, dans le rut et la faim. Le silence enveloppait la maison comme une protection contre la société humaine, qui n’avait point ici à intervenir entre deux êtres jeunes, libres et ardents. Leur combat synthétisait seulement la lutte universelle, lutte de la jouissance contre le regret, lutte du corps contre l’esprit, lutte des sexes et des volontés.

Lucienne vint, comme par jeu, prendre Jean par les épaules et l’immobilisa sur sa chaise.

— Cousin, vous n’êtes qu’un enfant. Je ferai de vous ce qu’il me plaira.

Méfiant, il repartit :

— C’est beaucoup dire.