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Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/252

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À paraître en Octobre 1928


LE SEXE ET LE POIGNARD
(Vie de Jules César)
par
RENÉE DUNAN
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Il n’est pas absolument faux qu’un roman doive moraliser. Le tout est de s’entendre sur la morale et de dire comment elle doit s’enseigner. Les milliers d’œuvres pudiques et naïves, à fins morales apparentes, qu’on connaît, sont, au vrai, responsables, par la mauvaise éducation qu’elles portent, par les détestables exemples d’acceptation humiliée et béate qu’elles offrent, d’innombrables suicides, désespérances et abandons sans retour. Leur immoralité est certaine.

Car il faut montrer la vie telle qu’elle est, pour apprendre à l’affronter, il faut préparer les volontés et les désirs aux obstacles qu’ils rencontreront, il faut dire, au nom de la morale, la vérité, toute la vérité. C’est là ce qu’on nomme moraliser. Et ce qui est vrai des romans est vrai de l’histoire. Si l’on voulait que les misères du passé fussent épargnées à l’avenir, il faudrait dire d’abord d’où sortent ces misères. Elles n’ont point : guerres, famines, ou révolutions, la « fatalité » comme origine. Elles viennent de volontés humaines et gouvernantes, de rois, ministres ou favorites, de ces hommes qu’enivre la puissance et dont la grandeur méprisante ignore les peuples qu’ils prétendent mener. Depuis peu, on tend, par un nationalisme immoral, à exonérer les dirigeants de leurs crimes passés (dans chaque pays bien entendu) pour nous les présenter, quoiqu’ils aient été lâches, cupides, égoïstes, vils, obscènes et trop souvent imbéciles, comme des hommes animés par les plus nobles désirs — on les admire surtout pour leur vaine gloire. Absurde et mensongère conception de l’histoire, qu’il faut détruire si l’on veut