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Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/61

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La voix était rauque, avec il ne sut deviner quel mécontentement un peu agressif.

— Lucienne ?…

La parole de l’adolescent se brisa. Quelque chose lui coûtait à dire. Mais cette puissante tradition de sincérité qui cimentait l’âme des Dué, depuis des siècles, le poussa enfin :

— Lucienne, vous êtes merveilleusement jolie et…

Le fin visage féminin eut une crispation. Elle écoutait sans bienveillance. Il se sentit triste, car la phrase lui coûtait déjà à rassembler dans son esprit. Il aurait donc aimé une attention cordiale, même, s’il eût fallu, un peu miséricordieuse. Il savait bien en effet que sa science de la vie était nulle. Mais être compris…

— Lucienne, vous êtes jolie. Moi, ma cousine, je suis sensible à votre beauté. Me comprenez-vous ?

— Oui, comme au théâtre…

La phrase incompréhensive le blessa, mais il se contraignit à continuer :

— Je suis sensible à votre grâce, Lucienne. Mais être sensible, c’est peu de chose. Et devant une femme ce n’est rien, car… Il s’arrêta…

— … Car cela ne sort pas de soi. On l’éprouve comme un don reçu quand on voudrait donner soi-même…

Lucienne avait tourné vers lui les yeux