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Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/114

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et la persévérance ne se lassèrent point, mais, hélas ! on finit par pouvoir facilement les compter. Les populations se fatiguèrent, les fièvres contagieuses écartèrent des personnes d’abord empressées, et les infirmiers et les servants, ennuyés ou découragés, ne répondirent pas tous longtemps à ce qu’on devait attendre d’eux.

Pour une tâche de cette nature il ne faut pas des mercenaires ; trop souvent, en effet, les infirmiers salariés deviennent durs, ou le dégoût les éloigne et la fatigue les rend paresseux. — Il faut, d’autre part, des secours immédiats, car ce qui peut sauver aujourd’hui le blessé ne le sauvera plus demain, et en perdant du temps on laisse arriver la gangrène qui emporte le malade[1]. Il faut donc des infirmiers et des infirmières volontaires, diligents, préparés et initiés à cette œuvre, et qui, reconnus par les chefs des armées en campagne, soient facilités et soutenus dans leur mission. — Le personnel des ambulances militaires est toujours insuffisant, et fût-il doublé ou

  1. Au commencement de la campagne d’Italie et avant qu’aucun combat eût encore été livré, Mme N… ayant proposé, dans un salon, à Genève, la formation d’un Comité pour l’envoi de secours aux blessés, plusieurs des personnes auxquelles elle s’adressait, trouvèrent beaucoup trop hâtive cette proposition, et moi-même je ne pus m’empêcher de dire : « Comment peut-on penser à faire de la charpie, avant qu’il y ait un seul blessé ? » Et cependant comme, dès les premiers engagements, cette charpie eût été utile dans les hôpitaux de la Lombardie ou de la Vénétie ! — C’est donc la vue même de faits tels que ceux que j’ai racontés, qui, en me faisant changer de manière de voir à cet égard m’a conduit à présenter quelques réflexions sur ce sujet ; et Dieu veuille qu’elles soient mieux reçues que je n’accueillis moi-même, en mai 1859, la proposition de Mme N… !