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Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/43

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Parmi les Autrichiens faits prisonniers, il en est qui sont remplis de terreur parce qu’on avait jugé bon de leur représenter les Français, les zouaves particulièrement, comme des démons sans pitié ; c’est au point que quelques-uns, en arrivant à Brescia et en voyant les arbres d’une promenade de cette ville, ont demandé sérieusement si c’était à ces arbres-là qu’on allait les pendre ; et plusieurs qui reçurent des soins généreux de soldats français, les en récompensaient, dans leur aveuglement et leur ignorance, d’une manière bien insensée : le samedi matin, un voltigeur, ému de compassion en voyant sur le champ de bataille un Autrichien étendu par terre et dans un état pitoyable s’en approche avec un bidon rempli d’eau et lui présente à boire ; ne pouvant croire à tant de bienveillance, l’Autrichien saisit son fusil qu’il avait à côté de lui et en frappe de la crosse, avec toute la force qui lui reste, le charitable voltigeur qui demeure contusionné au talon et à la jambe. Un grenadier de la garde veut relever un autre soldat autrichien tout mutilé, celui-ci qui avait près de lui un pistolet chargé, s’en empare et le décharge, à bout portant, sur le soldat français qui lui portait secours[1].

  1. À Marignan, une sentinelle sarde, placée aux avant-postes, se laisse surprendre par un détachement de soldats autrichiens qui lui crèvent les yeux, pour lui apprendre, lui disent-ils, à être plus clairvoyante une autre fois ; et un bersaglier qui s’était écarté de sa compagnie, étant tombé entre les mains d’une poignée d’Autrichiens, ils lui coupent les doigts, puis le relâchent en lui disant en italien : Va te faire donner une pension ! — Espérons que ces faits, qui sont authentiques, sont à peu près les seuls de ce genre qui aient été commis pendant la guerre d’Italie.