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Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/47

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Voici la longue procession des voitures de l’Intendance, chargées de soldats, de sous-officiers et même d’officiers de tous grades confondus ensemble, cavaliers, fantassins, artilleurs, tout sanglants, exténués, déchirés, couverts de poussière ; puis des mulets arrivant au trot, et dont l’allure arrache à chaque instant des cris aigus aux malheureux blessés qu’ils portent. La jambe de l’un est fracassée et semble être presque détachée de son corps, chaque cahot de la charrette qui l’emmène lui impose de nouvelles souffrances ; un autre a un bras cassé, et avec celui qui lui reste il soutient et préserve le membre facturé ; un caporal a le bras gauche traversé, de part en part, par la baguette d’une fusée à la congrève, il la retire lui-même, et cette opération faite, il se sert de cette baguette en guise de canne pour s’aider à gagner Castiglione ; plusieurs expirent en route, leurs cadavres sont déposés sur le bord du chemin, on viendra plus tard les enterrer.

Depuis Castiglione les blessés devaient être conduits dans les hôpitaux de Brescia, de Crémone, de Bergame et de Milan, pour y recevoir enfin des soins réguliers ou y subir les amputations nécessaires. Mais les Autrichiens ayant enlevé, à leur passage, presque tous les chars du pays par leurs réquisitions forcées, et les moyens de transport de l’armée française étant très-insuffisants en proportion de la masse effrayante des blessés, on fut obligé de les faire attendre deux ou trois jours dans les ambulances volantes, avant de pouvoir les entreposer à Castiglione où