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Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/98

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encore par l’exaltation d’un enthousiasme passionné ; mais ce sont des larmes brûlantes, expression d’un saisissement douloureux et d’une compassion qui va se transformer en un dévouement chrétien, patient et rempli d’abnégation.

Toutes les familles qui disposent d’une voiture viennent prendre des blessés à la gare, et le nombre de ces équipages, envoyés spontanément par les Milanais, dépasse peut-être cinq cents ; les plus riches calèches, comme les plus modestes carrioles, sont tous les soirs dirigées à Porta Tosa, où est l’embarcadère du chemin de fer de Venise ; les nobles dames italiennes tiennent à honneur de placer elles-mêmes dans leurs voitures qu’elles ont garnies de matelas, de draps et d’oreillers, les hôtes qui leur tombent en partage et qui ont été transportés depuis les wagons jusque dans ces opulents carrosses par les seigneurs lombards, aidés dans cet office par leurs serviteurs tout aussi zélés. La foule acclame sur leur passage ces privilégiés de la souffrance, elle se découvre respectueusement, et elle escorte la marche lente des voitures avec des torches illuminant les mélancoliques figures des blessés qui essaient de sourire ; elle les accompagne jusqu’au seuil des palais et des maisons hospitalières où les attendent les soins les plus assidus.

Chaque famille veut avoir chez elle des blessés français, et cherche à diminuer, par toutes sortes de bons procédés, la privation de la patrie, des parents et des amis ; dans les maisons particulières comme dans les hôpitaux, les