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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/116

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— Non, je l’ai perdu.

— Ah bah ! » dit le cavalier avec une parfaite indifférence. Puis, piquant sa monture de l’éperon pour continuer sa route, il ajouta, avec cette courtoisie tellement naturelle à tous les Mexicains, qu’un lepero subitement enrichi devient en vingt-quatre heures un véritable grand seigneur : « Ce que vous me racontez là, señor, m’affecte véritablement, croyez-le bien.

— Hélas, oui ! répéta piteusement le piéton, je l’ai perdu… sur un coup de monte[1] ! »

  1. Quelques lignes d’explication deviennent nécessaires, pour bien faire comprendre le jeu du monte, dont il sera souvent parlé dans cette esquisse de mœurs. Le monte n’est à proprement parler, qu’un lansquenet réglé, c’est-à-dire qu’on ne se sert que d’un seul paquet de cartes, et qu’à chaque coup les cartes sont taillées de nouveau. Le ponteur est libre de choisir la carte qui lui convient et d’y poser son enjeu. L’extrême simplicité de ces combinaisons pourrait faire croire que l’adresse est aussi inutile à ce jeu qu’à celui de pair ou d’impair ; et cependant il n’en est rien. On trouve des Mexicains dont la subtilité est tellement développée, la mémoire si rapide et si prodigieuse que, s’ils parviennent à biseauter, à l’avance, les jeux de cartes dont se sert le banquier, ils peuvent ensuite, grâce a une puissance incroyable d’habitude, même lorsque l’on a coupé, désigner par ordre toutes les cartes d’un paquet, sans se tromper une seule fois. Du reste, la mauvaise foi au jeu est autorisée au Mexique, ainsi que l’était le vol à Lacédémone. On n’y est impitoyable que pour les maladroits.