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Page:Duplessis - Aventures mexicaines, 1860.djvu/65

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voyageurs qui semblaient contempler avec envie et désespoir les plats servis devant eux. La plupart de ces voyageurs étaient fort pâles de visage, et très-débraillés dans leurs habillements. Le sénateur Moratin, préférant sans doute l’action à l’observation, fit asseoir sa femme près de lui, puis, apostrophant le domestique chargé du service, se mit à déjeuner du meilleur appétit du monde, et sans dire un mot. Doña Lucinda Flores, fascinée par la gracieuse image que lui représentait un vieux morceau de glace suspendu au mur de la chambre, se souriait à elle-même avec une grande complaisance, et tâchait de mettre un peu d’ordre dans ses rubans. Quant à l’estimable et silencieux Camole, dédaignant un déjeuner régulièrement servi, il s’était assis dans un des coins de la salle et mangeait un plat de frijoles, ou haricots rouges, placé devant lui sur un petit banc de bois : après chaque bouchée le digne ranchero humait une bouffée de sa cigarette. Les voyageurs déjà présents et qui, lors de notre entrée dans le rancho, m’avaient paru nous implorer du regard, restaient toujours immobiles autour de la table.

— Pourquoi donc, señor, ne déjeunez-vous point ? demandai-je à celui qui se trouvait le plus près de moi ; il y a dix places vides et dix couverts prêts qui vous attendent.