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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/124

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enfin cette chose, dont le nom n’avait pas encore été prononcé entre eux, le grand mot qui devait fatalement être dit, bien qu’aucun d’eux n’eût semblé oser prendre la responsabilité de le dire jusque-là.

Mais Lévise le regarda fixement, d’un air franc, innocent, étonné et interrogateur. Elle n’osa rien ajouter de plus de peur de paraître impertinente à Louis s’il n’avait jamais pensé sérieusement à elle.

Ils restèrent tous deux suspendus devant cette terrible nécessité de parler d’amour, comme au bord d’un fossé dangereux.

— On jase… de tout ! répliqua cependant Lévise enhardie, en ne se voyant pas pressée de questions par le jeune homme. Je ferai mieux de ne pas retourner chez vous !

Sa figure reprit tout à coup une expression sombre, et elle jeta avec une espèce d’éclat de voix, comme si elle eût fait un grand effort, ces paroles :

— D’ailleurs, c’est pour mon malheur que j’y suis entrée.

Louis fut bouleversé par ce cri de détresse inattendu, il jeta, lui aussi, presque un cri !

— Votre malheur ! oh ! j’espère et je jure bien que non !

— J’ai fâché mon frère, je suis mal vue partout, continua-t-elle, voilà ce que j’y ai gagné.

Néanmoins il y avait moins de désolation dans l’accent de Lévise. Ce que venait de dire le jeune homme l’avait réconfortée.

— Mais, reprit Louis, je viens, je viens tout exprès vous prier de revenir.

Il se rappelait bien avoir affirmé un instant auparavant que leur rencontre n’avait eu lieu que par hasard. Mais, devant le chagrin de Lévise, il n’avait plus la force de