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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/158

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Le jeune homme avait cru, il était certain, peu auparavant il aurait même juré qu’après le retour de Lévise il ne lui resterait rien à désirer, que chaque « goutte » de ses heures serait remplie par une absolue satisfaction. Au contraire une contrariété aiguë frappait sans relâche sur lui et augmentait peut-être encore en la présence de Lévise, car celle-ci était le fruit longuement convoité et toujours défendu même au moment où il appartenait à Louis.

Il fallait au jeune homme un refuge contre cette contrariété poignante, une compensation. Il pressait la jeune fille de ses instances moins parce qu’il succombait à la passion que pour secouer ses ennuis. Autrement il eût été aussi timide, aussi délicatement réservé qu’elle. Trois cruels jours se succédèrent où Lévise se retrancha dans la résistance, et cet insuccès, avec les autres désirs qui échouaient également, mit Louis hors de lui. Il devint acharné, et ne pouvant vaincre, il demanda à Lévise de se trouver à huit heures du soir sous les saules au bord de la rivière à un quart de lieue de Mangues. Il comptait sur l’influence d’une tiède soirée de printemps, légèrement éclairée par la lune, pleine des odeurs vives et alanguissantes des prés et des bois, engageante par la solitude, l’obscurité, et bonne, à cause de toutes ces séductions, à amollir la volonté de Lévise.

La jeune fille ne vit pas le piège que lui tendait la tendresse de Louis ou ne voulut pas le voir.

— Pas maintenant, jamais, plus tard, ce serait mal ! jamais cela ne m’était venu à l’idée en vous voyant, avait répondu Lévise à chacune des prières de Louis. Entraînée par le plaisir de ces entrevues nocturnes si chères aux amoureux, elle accepta le rendez-vous. C’était une grande nouveauté, une grande curiosité que de passer