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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/16

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l’aubergiste et à jouer aux cartes avec un vieux capitaine en retraite qui prenait ses repas à l’auberge. Tout cela venait du libre exercice de sa volonté.

Mais ce calme devait être bientôt dérangé.

Un jour que Louis était arrêté sur la place de l’église, il vit passer un grand garçon en blouse, accompagné d’une jeune fille. Il reconnut la paysanne avec laquelle il s’était croisé en chemin lors de son arrivée à Mangues. Celle-ci le reconnut aussi, et lui fit un petit salut de la tête en souriant et en rougissant encore.

Ce salut et ce sourire transportèrent Louis dans un monde nouveau. Il lui semblait qu’une sorte de souffle parfumé avait effleuré son visage. Jamais une femme ne lui avait témoigné ainsi un intérêt aussi spontané, aussi simplement direct, et il avait une grande reconnaissance pour la première qui venait de la sorte lever l’interdit dont la timidité de Louis l’avait toujours frappé.

Louis suivit des yeux le couple jusqu’à ce qu’il eût disparu, et il se sentit tourmenté par le besoin de savoir quels rapports pouvaient exister entre la jeune fille et son compagnon. Ce dernier était une espèce de colosse, de taureau, à l’air sauvage et presque féroce. Louis haïssait, étant frêle et nerveux, la force physique. Le paysan lui déplut et lui inspira même de la répulsion. Il se demanda si c’était là un mari, un promis, un frère ; suppositions qui le froissèrent du premier coup, sans réflexions ; il espéra que la jeune fille avait simplement rencontré quelque compagnon de route. La pensée d’une alliance entre la jeune fille et ce garçon le contrariait. L’air doux, délicat, presque élégant de la paysanne ne s’accordait pas avec l’allure brutale du paysan. Et Louis la trouvait à plaindre, si quelque lien existait entre eux.

Quant à ce que le grand garçon fût un mari, Louis