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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/166

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extraordinaire au petit nombre de choses qui l’entourent. Louis était embarqué, lui aussi, loin du monde, et son équipage se composait de Lévise, d’Euronique et de Cardonchas.

Chaque journée, chaque soirée était donc marquée pour lui par un « grand » fait, et il faisait à tout moment comme une sorte de croix sur sa poitrine pour en garder le souvenir.

Lévise s’habillait avec un soin extrême et donnait des tournures particulières à ses cheveux, à ses tabliers, à ses mouchoirs de cou, elle mettait ses petits bijoux et soignait ses mains qu’elle n’avait pas vilaines. La jeune fille avait des instincts élégants, et on peut dire même que, sans les défauts de l’éducation première, elle avait l’âme élégante. Voilà pourquoi elle s’était portée si vivement vers Louis qui lui apparaissait à côté des paysans, comme un être supérieur, avec lequel elle s’élevait au-dessus de cette sphère brutale et sordide qui avait toujours répugné à sa nature.

Euronique ne leur soufflait mot et se montrait très-affairée, employant vis-à-vis de Lévise des façons de condescendance assez forcée et sournoise.

Louis et Lévise ne se tutoyaient pas dans la maison. Cela ne se faisait que le soir, et alors Lévise reprenait une grâce, une câlinerie un peu intimidée qui doublait le prix de tout ce qu’elle disait. Le soir surtout, chaque mot tombait sur le cœur comme une goutte de rosée, y glissait comme un doux chatouillement ou bien y frappait comme un marteau velouté.

Une fois Louis avant parlé de la « ville », Lévise l’arrêta :

— C’est bien beau la ville ? demanda-t-elle d’un ton câlin et hésitant.