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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/18

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l’harmonie de la campagne. Il pensait à la jeune fille. Il était rare qu’il ne sortît sans quelque espoir de la rencontrer, et il avait déjà tenté quelques courses à travers les courtes ruelles du village pour la retrouver. Elle était devenue à ses yeux un ornement de plus dans Mangues-le-Vert, et son absence dans l’ensemble des agréments du village en diminuait un peu le charme général.

Le bruit d’une charrette, loin en arrière, enleva Louis à ses « songeries ». Ce bruit était compliqué d’un autre son confus, indéfinissable à distance. La charrette se rapprochant de lui, Louis distingua des gémissements, des cris, des sanglots, des plaintes, qui se mêlaient d’une manière sinistre. Le cœur lui battit. Il crut qu’on tuait quelqu’un, ou que la voiture était chargée de blessés, et il attendit avec une certaine anxiété l’approche de cette charrette redoutable.

Bientôt Louis remarqua un homme assis sur le brancard et conduisant le cheval au grand trot, puis il vit des formes sombres s’agiter dans la voiture, secouées par les cahots, et qui poussaient ces gémissements, ces plaintes lugubres.

De plus près, Louis reconnut avec étonnement dans l’homme assis sur le brancard le grand garçon qui lui avait tant déplu sur la place de l’église. Celui-ci sifflotait avec assez d’insouciance. Néanmoins son attitude indifférente ne rassurait pas beaucoup Louis, qui se défiait peut-être trop de sa mine féroce et sournoise. Louis examina donc avec une vive attention les formes sombres et gémissantes qu’il voyait remuer à travers et par-dessus la claire-voie de la charrette.

C’étaient trois femmes, couvertes de longs capuchons de drap bleu foncé qui leur enveloppaient la tête. Agenouil-