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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/185

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une goutte d’eau, une lézarde du mur, un jet de lumière à travers l’ombre de la chambre. Il sentait en même temps que ce n’était pas là un amoindrissement mais un agrandissement de l’esprit où entrait un fleuve de sensations rafraîchies et neuves.

Quant à Lévise, elle était la source rayonnante du fluide qui revêtait tout d’une beauté, d’une joie, d’une splendeur mystérieuse. Lévise était à la fois pour lui comme une lumière, une couleur, une musique, un parfum, une saveur plus pénétrants l’un que l’autre. Elle lui donnait par moments des accès d’exaltation. Il s’asseyait à ses pieds, mettait la tête sur ses genoux, lui prenait les mains et lui parlait d’une manière singulière, poétique, pleine d’images et de comparaisons. Ainsi il fallut qu’il lui récitât une sorte d’invocation, de chant, qu’il avait fait en la regardant peigner ses cheveux au milieu d’un large rayon de soleil qui la couvrait d’or et faisait ruisseler la chair de ses épaules comme de la nacre vivante.

Il le lui récita moitié en souriant, moitié avec conviction. Qu’elle comprît ou non, peu importait à Louis : Vous mon sourire, vous mes larmes, vous ma bonté et ma haine, vous mon espoir, vous mon chagrin, vous ma surprise et mon oubli, vous ma joie et mon dédain, vous mon avarice et ma prodigalité, mon ambition et ma modestie, vous êtes celle qui me donne la vie, vous êtes moi et plus que moi-même, et je vous aime parce que vous êtes mon second créateur et que je suis votre maître !

Lévise fut extasiée de ce petit hymne quintessencié. Elle le lui fit écrire, plia le papier avec soin et le porta au cou comme une amulette. Louis dut signer son œuvre pour compléter la puissance de son grimoire de sorcier.