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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/20

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D’abord le charme naturel de la jeune fille lui était apparu, puis elle avait été l’occasion d’un grand acte de courage de la part de Louis : le premier, il avait parlé à une femme qui n’était ni vieille, ni laide, et il en ressentit l’orgueil qu’on éprouve lorsqu’on a enfin tenté une entreprise redoutable devant laquelle on a longtemps hésité.

À la seconde rencontre, il avait pu supposer que cette femme, à qui déjà il devait une joie, le remarquait et pensait à lui. Événement tout nouveau qui le jetait dans le trouble et l’espérance. Et, comme pour développer le germe d’inclination ainsi créé, il avait fallu que Louis, en voyant le grand paysan, eût à craindre de perdre presque aussitôt le précieux et fragile trésor de sa tendresse naissante, et qu’une sorte de rivalité avec cet homme s’établît dans son esprit et le forçât à penser plus souvent, plus longuement à la jeune fille.

Enfin, au troisième choc, pour ainsi dire, la petite paysanne se présentait à lui, entourée d’un appareil propre à s’emparer tout à fait de l’imagination. Elle émouvait sa pitié. Un lien plus étroit lui attachait Louis. Il ne pouvait plus oublier la jeune fille. Il était contraint de se demander à toute heure ce qu’elle était, d’où elle venait, quel était son sort, et si cette mort ne l’atteignait pas cruellement et même ne l’éloignerait pas de Mangues.

Louis ne tarda pas à rentrer chez lui, et il questionna aussitôt Euronique.

La servante de Louis avait vite conquis la domination dans la petite maison. Le jeune homme n’était pas exigeant, et, quoique peu communicatif, il lui avait laissé, dès le commencement, le privilège de bavarder, de discuter, de proposer et de tout régler à sa fantaisie ; il s’en était aperçu, mais s’en amusait.