Aller au contenu

Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’envie lui en prend. Et s’il ne vient pas, ne t’en étonne pas. Il a bien autre chose à faire !

Malgré sa volonté de dissimuler, Louis était ennuyé, pris de malaise. Il eût voulu que les braconniers se montrassent, vinssent déclarer s’ils étaient ennemis ou non. Pourquoi donc était-on venu le prévenir ? La menace suspendue sur sa tête lui faisait l’effet d’une insulte. Il pressentait quelque aventure grave. Et puis où, de quelle manière vivrait-il avec Lévise, dans l’avenir. Il se voyait enfermé entre des impossibilités de toute sorte. Malgré lui, il se montrait pour la première fois un peu distrait au discours et aux jeux de Lévise, elle pensa qu’il l’aimait moins tandis qu’il l’aimait, au contraire, plus que jamais, et elle lui dit une fois, presque en larmes :

— Est-ce que je t’ennuie ?

Il eut beaucoup de peine à retrouver la liberté d’esprit et le calme nécessaires pour la rassurer. Cependant si préoccupé qu’il fût, il se trouva ridicule de se créer des fantômes et se remit à admirer, avec une bienveillante critique soigneusement ensevelie au fond de lui-même, d’ailleurs, les naïfs défauts de Lévise, qui était pleine d’amour-propre, de coquetterie, de mobilité et de maladresse amusante dans la tenue et le gouvernement de la maison. Elle dépensait l’argent à tort et à travers, en perdait dans la rue, et boudait ou se fâchait à la moindre plaisanterie à ce sujet. Elle voulut apprendre à lire, essaya pendant une demi-heure, se découragea et pleura, puis n’en parla plus.

Lévise, supposant Louis un peu refroidi, et ne sachant à quoi attribuer ce changement, trouva bon de stimuler un peu le jeune homme en essayant de le rendre jaloux. Lorsqu’elle conta à Louis qu’un beau monsieur