Aller au contenu

Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


— C’est à moi que vous parlez ? dit-il à Euronique d’une voix altérée.

— Eh donc ! répliqua Euronique en riant insolemment, est-ce que je suis encore en service ?

Louis aurait voulu pouvoir écraser sous son talon, comme un serpent, cette créature vile, cette servante si basse, qui avait l’insolence inouïe, atroce, de souiller de ses invectives Lévise, la précieuse idole qu’on aurait dû adorer à genoux, et qu’il ne pouvait faire respecter de personne. Il sentit avec une effroyable douleur qu’il payait bien cher sa passion en ce moment. Il était tremblant d’exaspération. La foudre ne lui aurait pas paru suffisante, s’il l’avait eue en main, pour anéantir la misérable Euronique. L’impuissance de venger Lévise, de punir l’offense, plus que cela, de l’effacer, la broyer, comme si elle n’avait jamais eu lieu, suspendait toutes ses forces. Ses yeux seuls attachés sur Euronique montrèrent à celle-ci ce qui se passait en lui. Elle en eut peur et recula précipitamment. Les lèvres de Louis balbutiaient, mais sa poitrine se déchirait sous l’effort de mille explosions de fureur.

— Vous n’avez eu que ce que vous méritiez, dit-il, et prenez garde, prenez bien garde à vous, je finirai par vous traiter comme une sorcière, comme un chien !

Les femmes murmurèrent, puis l’appelèrent « débaucheur ». L’une d’elles s’écria : Il ne manque plus qu’il la mène au banc d’honneur à l’église, sa déhontée !

Et puis cette querelle avec des femmes était odieuse, sans dignité, sans avantage. Louis le comprit, tout contribuait à l’abaisser. Il se décida à revenir, humilié à en pleurer, consterné pour Lévise, effrayé même, et tressaillant de souffrance à chaque instant sous la pointe lancinante du mot drôlesse qui battait à coups redoublés