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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/250

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aveugle pour tout le reste, pour les conséquences de la chose ; elle est incapable de prévoir les entraves, le châtiment, les précautions de salut, les maux qui peuvent résulter pour des personnes auxquelles justement on n’aurait point voulu de mal, qu’on n’eût pas souhaité entraîner dans la catastrophe, ou si elle le fait, c’est maladroitement.

Guillaume en était arrivé là. Tuer Louis et Lévise. Tout le reste des choses sous le ciel ne l’occupait plus. L’homme de la ville lui avait ravi la fille qu’il s’était réservée : l’offense avait été surtout, pour le braconnier, de race à race, de la race orgueilleuse, favorisée, détestée à la race faible, déshéritée, méprisée. Sa haine en avait été doublement soulevée. La fille sur laquelle il comptait avait passé à l’ennemi ; elle était un renégat séduit par une ambition perverse, par la cupidité !

Le devoir et l’honneur du paysan exigeaient qu’il les tuât. Il avait dit tous ses mouvements intérieurs à Volusien. Ainsi poussé, inspiré, le beau Guillaume devenait peut-être une brute grandiose, et c’était là ce qui dominait l’autre sans que celui-ci s’en rendît compte.

Tandis que le beau Guillaume était si décidé, si sûr de ses actes, le pauvre Louis était dans un terrible état. L’énergie du caractère de Louis était bien différente de l’énergie fixe de Guillaume. Sa nature comportait quelque chose de féminin, une facilité à l’impression qui le rendait accessible à des mobiles très-variés, souvent très-menus, qui poussait son esprit dans tous les sens, le livrait à toutes les prévisions, à toutes les inquiétudes, à toutes les illusions en même temps, l’empêchait d’être assis uniquement sur une idée ou un sentiment, le ballotait constamment, le remplissait de troubles, de retours, de défiances, d’élans, et cela dans la même heure, dans