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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/276

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moindre délai pouvait les reculer tout à coup. Mangues devenait un lieu triste, pauvre, insupportable. On n’y respirait plus. Rien n’empêchait qu’on ne se mît tout de suite en marche vers les splendeurs nouvelles. Enfin elle pensait un peu à elle, ce qui ne lui était peut-être pas arrivé depuis qu’elle était auprès de Louis.

Quant au jeune homme, s’il avait eu un moment de son côté la joie du bien qu’il faisait à la jeune fille, il n’en restait pas moins toujours dans le même sentiment de mécontentement personnel, toujours accroché, sans pouvoir s’en délivrer, à cette idée qu’on appellerait son départ une fuite, son mariage une craintive soumission, toujours mâchant sous ses dents les paroles d’Euronique et des autres femmes, toujours irrésistiblement contraint par l’orgueil à revenir sur tout ce monde-là et à relever sa dignité, qu’il jugeait abattue.

À chaque instant, au milieu de ce que lui disait Lévise et de ce qu’il répondait se glissait dans son sein le défi qu’on lui avait jeté : Il ne manque plus qu’il la fasse asseoir au banc d’honneur à l’église !

— Eh bien ! pensait-il, vous verrez tous qu’en dépit des fusils des braconniers, des criailleries des femmes, je ferai mon bon plaisir, en face de vous tous et de vos chefs, de votre maire, de votre curé !

Il était dans sa nature que les choses qui le touchaient prissent de grandes proportions.

À ce moment, Lévise disparaissait complètement. Elle n’était plus qu’une chose qu’il voulait placer en face de tout le monde en disant : Elle sera là, quoique vous ne le vouliez pas et on ne défera pas ce que je fais !

Pendant que Louis et Lévise se tenaient dans leur petite chambre dont ils avaient laissé la fenêtre ouverte, la soirée étant chaude et belle, Volusien et Guillaume examinaient la façade de la maison.