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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/309

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— Oh ! dit Lévise, avec accablement, il y a quelqu’un entre nous ! Elle éleva le doigt et montra le ciel. — Au lieu de me réjouir de partir, j’aurais dû faire des prières ! Mais enfin, ajouta-t-elle aussitôt avec une espèce de colère contre son propre pressentiment, pourquoi cela ? nous ne sommes pas méchants ! Est-ce qu’on ne peut pas avoir cette voiture demain matin ?

— Oh ! dit Louis d’un ton absolu, je ne partirai pas de Mangues en plein jour !

— Oh ! s’écria la jeune fille, qui pour la première fois manifesta de l’irritation contre Louis, tu ne voudrais pas partir ! c’est ce qui nous portera malheur !

Louis ne répondit pas, il écoutait une clameur confuse qui, d’abord lointaine, s’approchait et grandissait rapidement.

— Que veulent-ils encore ? dit violemment Lévise en allant vers la porte qui séparait la chambre où ils étaient de celle qui donnait sur la rue.

Elle s’arrêta la main posée sur le bouton de la serrure.

Le bruit croissait et devenait distinct. C’était la chanson !

Autant Lévise avait eu peur à l’église, autant elle se trouvait forte, là, chez elle.

La persécution des paysans prenant un caractère acharné l’indignait. Elle ne se voyait pas coupable, en s’interrogeant, si ce n’est de dévouement envers le seul homme qui eût été bon pour elle. Elle était encore plus indignée en songeant que cette persécution tombait du poids de tous ses dangers sur Louis, que les paysans eussent dû vénérer et à qui on faisait un crime de sa bonté. Elle avait vu Louis user toutes ses forces depuis deux jours avec une vaillance qu’elle admirait et qui lui