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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/33

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rait fort extraordinaire que Louis l’invitât à sa table, et elle y verrait matière à médire sur le compte de Lévise.

Dans cet embarras, Louis entrevit vaguement une façon de se tirer d’affaire.

Euronique lui avait répondu : Oh ! j’ai fait un si bon dîner !

— Vous le mangerez avec l’ouvrière, dit Louis.

— Mais c’est trop bon pour elle ! s’écria Euronique, je ne l’ai pas fait pour elle ! Il ne faut pas la gâter !

Louis avait compté sur les objections de la servante pour entrer dans une feinte colère et mettre son désir sur le compte de cette colère.

— Elle mangera son dîner ! reprit-il de son ton le plus dominateur.

— Oh !!! dit Euronique qui secoua la tête pour protester et faire entendre que la volonté du maitre ne serait point exécutée.

— Eh bien ! s’écria Louis avec plus de force, elle le mangera avec moi !

Il crut un moment avoir remporté une victoire complète, mais Euronique le considéra de l’air stupéfait et effrayé qu’on prend pour regarder quelqu’un qui devient fou, puis elle s’écria à son tour avec indignation : Comment ! elle dînera ici, en haut ?

Son attitude exprimait si bien qu’elle ne se prêterait jamais à une pareille révolution, que Louis n’osa pas aller plus loin.

— Eh bien ! puisque vous ne voulez jamais obéir, je dînerai aujourd’hui à la cuisine avec vous ! et nous verrons si vous refusez d’exécuter ce que je vous commande.

— Oh ! je n’ai jamais vu pareille chose ! murmura Euronique entièrement désorientée.