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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/56

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C’eût été une conduite trop ridicule. Livrer Lévise pendant une heure entière aux tracasseries d’Euronique, s’il les faisait manger ensemble, ne lui souriait pas davantage. L’élever à l’honneur de partager le repas seule avec lui était impossible, parce qu’Euronique ne l’eût pas souffert, que Lévise eût pu prendre cela pour une preuve trop claire d’affection, et que d’ailleurs la jeune fille eût été compromise et perdue aux yeux du pays.

Aussi embarrassé qu’un vaudevilliste qui cherche le dénoûment d’une intrigue trop compliquée, Louis décida enfin que les trois personnages de la comédie mangeraient séparément, bien qu’il jugeât encore cette solution assez ridicule et pleine de périls.

Il hésita longtemps à annoncer son nouveau décret à Euronique. Celle-ci poussa une espèce de cri sauvage :

— En voilà bien une autre ! grogna-t-elle irrespectueusement.

Pour motiver son décret, Louis ajouta qu’il séparait les deux femmes afin qu’on ne perdît pas de temps en bavardage.

— Je ne la servirai point, par exemple, dit Euronique.

La régle établie porta donc que Lévise irait chercher son repas à la cuisine et l’emporterait dans la chambre de travail. Louis prévit que la redoutable Euronique soulèverait encore quelque tempête, et il alla présider à l’exécution du règlement. Lévise se trouvait dans l’antre d’Euronique lorsqu’il y arriva, de sorte que le système de la séparation était peut-être bien inutile. D’ailleurs Louis était condamné à ne dîner qu’après Lévise puisqu’il s’imposait une faction pour la préserver des atteintes d’Euronique. Il se sentait toujours très-ridicule et tendait toutes les forces de son esprit vers la solution de la difficulté.