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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/71

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mauvaises humeurs et ses mauvais propos. Elle n’aurait rien à dire, et quoique ce don commun pût en affaiblir peut-être la valeur aux yeux de Lévise, celle-ci, en fille simple, n’y serait pas moins sensible.

Les trois lieues qui s’étendaient devant Louis, aller et retour, furent dévorées en deux heures. Le jeune homme soupesait le paquet de mouchoirs avec une satisfaction qui ne lui laissa point sentir qu’il était en nage, et que ses jambes devenaient raides, vers les derniers pas.

Son compliment était tout prêt. Toujours imbu de son idée diplomatique, Louis commença par Euronique.

Il déplia le mouchoir à elle destiné sans lui laisser voir l’autre, et lui dit cauteleusement : Euronique, « comme vous m’avez toujours bien servi », j’ai pensé à vous, voilà une petite chose.

Euronique jeta des cris de joie, sans attendre la fin du discours, s’empara de l’étoffe, la drapa autour de son cou et sortit aussitôt pour se montrer triomphalement aux voisins.

Louis vint alors à Lévise, mais en plus grande cérémonie.

— Pour me punir, dit-il en riant d’un rire plein de bonheur, pour me punir de la course que mes indiscrétions vous ont fait faire hier, je l’ai faite aujourd’hui à mon tour. Et comme vous avez bien voulu m’apporter un petit paquet, je me suis permis de vous en rapporter un autre.

Lévise déplia aussi son mouchoir, et ce fut cette fois qu’elle eut l’air tout honteux, tout troublé, au supplice !

— Oh ! s’écria-t-elle, et cette seule syllabe disait admiration, reconnaissance, émotion profonde.

Puis Lévise ajouta :

— C’est trop, c’est trop beau !