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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/73

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Ce mot révéla à Louis qu’il était tombé dans un nouvel abîme. En effet, il n’avait pas réfléchi à son action : le mouchoir de Lévise était en soie et coûtait cinq francs, celui d’Euronique était en coton, et quoique brillant de couleurs, ne valait que vingt sous ! Il avait semblé si naturel au jeune homme de les choisir différents ! Néanmoins, étourdi par sa maladresse, Louis ne voulut pas en convenir, et répondit à Euronique :

— Vous ne savez ce que vous dites ; ils sont aussi beaux l’un que l’autre !

Mais la vieille protesta, en secouant fortement la tête, et se retira.

Agacé de sa propre sottise, Louis se vengea sur un livre qu’il lança au fond de la chambre. Lévise et lui pouvaient être désormais la proie d’Euronique : il le craignit. Pour aviser à réparer les effets de cet accident, il alla demander de la sagesse au grand air, qui rafraîchit ordinairement la tête.

Ses pieds suivirent l’influence d’un aimant caché, et l’entraînèrent du côté de la maison de Lévise. Cette maison excitait un intérêt extraordinaire en lui. Là s’écoulaient de nombreuses heures de la vie de Lévise, qui étaient entièrement cachées pour Louis. Que faisait-elle ? que se passait-il là ? était-elle heureuse ? Il éprouvait une irritante curiosité et une certaine inquiétude devant ce mystère qui commençait à la porte de la maisonnette.

Tandis que le jeune homme contemplait longuement la « chaumière » dont ses yeux semblaient vouloir percer les murs ou pénétrer les secrets, il en vit sortir Euronique… Il crut d’abord se tromper. Mais c’était bien elle, avec le terrible mouchoir à son cou. Qu’avait-elle à faire là ? par quel hasard ? pourquoi ?

La première idée de Louis fut que Lévise était peut-