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Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/9

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Louis à une carrière, et, dès l’enfance, le voyant aimer les livres, le silence et les recoins solitaires, ils le laissèrent aller à sa guise.

Les livres contribuèrent singulièrement à développer l’esprit de Louis. Quand il se trouva ensuite rapproché du petit monde provincial, il éprouva une grande impression d’ennui et de dédain, et il fut impossible d’obtenir de lui le moindre rapport aimable avec les amis de la maison. S’il restait dans le salon, c’était uniquement pour noter minutieusement les ridicules et les travers des gens qui l’entouraient.

Il prit ainsi l’habitude de ne point parler, de ne se mêler à rien, de concentrer toutes ses sensations en lui-même sans les communiquer. Il rêvassait continuellement. Mais tandis qu’il devenait très-dédaigneux, très-fier et en même temps très-sagace, le manque de commerce avec le monde, l’inaction, la solitude le rendirent timide, et des que le moindre incident le mettait en cause il rougissait devant les personnes qu’il méprisait et perdait contenance.

Cette façon de se replier sur lui-même le rendit très-nerveux, par suite très-personnel. Les riens de chaque jour agissaient fortement sur lui. Ses contrariétés étaient des supplices, ses dérangements des souffrances. À dix-huit ans, il se sentit devenir malheureux, mais la régularité d’une existence tranquille le dominait en l’étouffant. Très-défiant de lui-même à la pensée d’agir, violemment sollicité de se lancer dans la vie par les désirs ordinaires à la jeunesse, par le sentiment qu’il avait de sa propre valeur, il se livra de violents combats intérieurs qui absorbèrent toutes ses forces. Il ne savait par où commencer. Tenté par beaucoup de choses à la fois, il manquait d’équilibre, voyait tout à l’extrême et se dé-